Le CSE peut utiliser des témoignages anonymisés de salariés pour prouver la nécessité du recours à l'expertise
- katiapiantino
- 7 janv.
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Dernière mise à jour : 13 janv.

La Cour de cassation fait application de sa jurisprudence sur les témoignages anonymisés rendue en avril 2023 dans le cadre d'un contentieux prud'homal, pour l'appliquer cette fois-ci à une expertise risque grave.
Le CSE peut, en cas de risque grave, recourir à un expert habilité (C. trav., art. L.2315-94). Le but de l'expertise est de recourir à un expert extérieur à l'entreprise et donc indépendant pour déterminer les causes du risque grave et les solutions à mettre en place lorsque ce risque n'apparaît pas correctement maîtrisé par l'employeur.
La nécessité de recourir à une expertise peut être contestée par l'employeur devant le tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond dans les 15 jours de la délibération fixant les modalités de mise en oeuvre de l'expertise, raison pour laquelle le CSE doit apporter le plus grand soin dans la rédaction de sa délibération, notamment quant à la caractérisation du risque qui doit être avéré et actuel.
Après avoir été assigné par l'employeur en contestation de la nécessité de recourir à une expertise risque grave, le CSE a produit en justice des témoignages anonymisés de salariés, cherchant à protéger les salariés auteurs des témoignages de tentatives de répression.
Le tribunal judiciaire de Nancy a, le 18 avril 2023, écarté des débats les témoignages anonymisés au nom du respect du principe du contradictoire qui impose la communication à la partie adverse de pièces dans leur intégralité afin qu'elles puissent être valablement débattues.
La Cour de cassation casse le dispositif de l'ordonnance et retient que "si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est cependant connue de la partie qui produit ces témoignages, lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments permettant d'en analyser la crédibilité et la pertinence" (Cass. soc., 11 décembre 2024, n°23-15.154).
Les témoignages anonymes peuvent donc être produits à l'appui d'une expertise risque grave, à la condition qu'ils soient étayés par d'autres pièces. Le CSE ne peut donc pas se contenter de produire des témoignages anonymes pour prouver la nécessité de recourir à une expertise risque grave. Il peut cependant produire, en complément d'autres pièces, tous les témoignages qu'il a recueillis en limitant les risques d'exposition des salariés aux représailles patronales, via l'anonymisation. Ces éléments seront pris en compte par le juge pour corroborer l'existence d'un risque grave dans l'établissement.
La Cour de cassation avait déjà rendu un arrêt reprenant le même attendu de principe (Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-20.308). La société, pour établir la faute du salarié, avait produit un témoignage anonyme d'un salarié collègue. La cour d'appel avait retenu qu'il était impossible pour le salarié incriminé de se défendre d'accusations anonymes. La Cour de cassation avait alors cassé l'arrêt au moyen du même attendu, en soulignant qu'il ne s'agissait pas des seules pièces produites par l'employeur pour établir la faute.
Pour limiter les contentieux et être sûrs de pouvoir mettre en oeuvre efficacement leur droit de recourir à un expert habilité, les CSE doivent être très vigilants quant au respect de la procédure avant la mise en oeuvre de l'expertise et quant à la rédaction de leur délibération. Sur ce sujet, technique et inhabituel, les employeurs n'hésitent pas à assigner, raison pour laquelle les CSE ne doivent pas hésiter à solliciter une aide juridique sur cette question en amont du vote de la délibération.
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